2005
L’image de synthèse :
comment la définir?
Et, selon la définition à laquelle
on adhère, peut-on parler de vérité ou de
fausseté de cette image de synthèse ?
Nous voici face à un sujet vaste, posant de nombreuses
questions paraissant insurmontables. Aussi, il semble humain de ne
pouvoir donner qu’une vision subjective du
problème.
Il nous apparaît clairement que le sujet ici ne nous
impose pas une réponse radicale du type :
« oui, l’image de synthèse est
fausse » ou bien « non, elle est
vraie » ou encore « bof
bof ! ». Cela dit, il est important
d’expliquer clairement le sujet afin d’être bien
en accord sur celui-ci. Les possibles réponses qui vont en
découler ne seront bien entendu pas dénuées de
subjectivité mais tenteront tout de même
d’offrir une argumentation sensée.
Image de synthèse : procédé optique produit par un ordinateur ; image calculée point par point par un programme informatique s’affichant sur un écran.
Mais que voit-on ?
L’image de synthèse, ou plutôt sa
définition, semble se partager en deux points
distincts : la technique et le visuel.
En effet, cette création technique est accompagnée
d’un programme informatique ou logiciel qui la fait
fonctionner, qui lui insuffle la vie.
Remarquons que la technique de calcul point par point de
l’image date de la Renaissance. Etrange :
l’ancêtre de l’ordinateur n’avait
même pas vu le jour !
Mais la peinture illusionniste de l’époque venait
de donner naissance à la science moderne basée sur le
calcul précis et les mesures. Le rendu ainsi obtenu
dépassait en quelques sortes la réalité du
monde sensible. Descartes et Aristote affirmaient que la
réalité elle-même devait être
calculée, comme si rien n’était fait au hasard.
La science est donc allée au-delà des choses
sensibles et s’est dissociée de la
réalité.
Reste à préciser tout de même que la formule
« image de synthèse » englobe beaucoup
trop d’éléments : de quoi parlons-nous en
réalité ?
L’image de synthèse par excellence veut
paraître réaliste. Attention : réaliste et
non pas vraie ! Elle ne prétend pas toujours imiter la
réalité et propose alors une autre
réalité, tout aussi plausible. Pour donner
l’illusion d’une réalité, les
premières images étaient produites en 2D puis en
3D.
Visuellement, cette image de synthèse est opposée
à l’image analogique ou traditionnelle. Ce point est
important. En effet, l’image traditionnelle, comme un dessin
sur une feuille de papier ou une peinture sur une toile, se trouve
dans la réalité sensible de notre monde. Or,
l’image de synthèse n’existe que de façon
numérique. C’est une création visuelle en
devenir, c’est-à-dire qu’elle nécessite
notre regard pour exister alors qu’une toile sera toujours
matériellement une toile.
De plus, l’image de synthèse est indissociable de
son programme informatique : sans lui, elle est perdue dans un
fichier sans application.
L’image de synthèse accompagnée de son
programme nous offrira toujours le même rendu, comme une
toile traditionnelle, car ce programme est
pré-défini et ne change que si l’homme le
change.
Certains artistes s’amusent à passer ce programme
sous Word par exemple, ce qui donne des pages de texte et de
symboles incompréhensibles. Puis ils effacent des lignes,
les changent de place, etc. Au final, l’image ainsi obtenue
est devenue étrange, déformée,
déstructurée… Ce qui est intéressent
c’est que l’artiste ne contrôle pas le rendu
final car le programme est trop complexe sous cette forme.
Philippe Queau
s’appuie sur la théorie de la relativité
d’Einstein pour nous démontrer, au contraire, que ce
que nous voyons n’est jamais fixe et définitif. Selon
lui, l’image de synthèse aurait pu être
autrement et que le contenu de l’œuvre doit être
considéré comme virtuel lui aussi,
c’est-à-dire en suspend, en devenir.
D’ailleurs, « virtuel » (virtus) ne signifie-il pas force, puissance et vie ?
Aristote propose une réflexion qui convient tout à fait à ce sujet, bien que l’époque ne lui ait pas offert la contemplation d’une image de synthèse. Il oppose l’être et le non-être, c’est-à-dire l’être en acte et l’être en puissance. L’image de synthèse est cet être en puissance, ce potentiel qui attend son heure.
Il existe donc une différence fondamentale entre l’image analogique matériellement existante et l’image de synthèse qui attend l’implication du regard ou du geste du spectateur pour exister. Bien entendu, il nous est possible d’imprimer l’image virtuelle mais elle devient aussitôt une image analogique traditionnelle sur papier.
Cette différence peut s’expliquer par une idée simple : cette image de synthèse est acheiropoiète, elle n’a pas été créée par la main de l’homme.
Expliquons-nous : nous avons beau calculer les points d’entrée et de sortie de l’image, donner des ordres concernant la ligne, la couleur ou les effets, à aucun moment nous n’avons dessiner le moindre point de notre propre main. Dans ce cas précis, c’est l’outil utilisé par l’artiste qui diffère ; ce n’est plus un pinceau mais un clavier d’ordinateur, une sourie ou même une palette graphique.
Là où régnaient les pastels et le graphite siége aujourd’hui les encodages de 0 et de 1.
Et je ne m’en plains pas : je suis la première
à me servire de ces outils actuels.
Cependant, les humanistes purs et durs pourraient ici
rétorquer que l’Homme est au centre de toutes choses,
que tout passe par sa main et que rien ne peut exister sans lui ou
son regard ; ce qui n’est pas tout à fait faut
mais un peu extrême tout de même.L’image de synthèse est bien plus complexe que
notre cerveau ne peut l’imaginer. Elle a un rendu en une
infinité de couleurs et de pixels mais nous ne pouvons les
voir. On la voit donc faussement. Ce qui conforte
l’idée selon laquelle l’Homme n’aurait pu
la créer de ses mains mais avait bien besoin d’un
outil performant.Cette vision de la conception de l’image de
synthèse apporte un côté mystique à
l’histoire, comme si cette image était une
création intelligible, une
« néo-icône ».
Mais l’image de synthèse ne peut être
jugée fausse seulement parce qu’elle ne fait pas
partie de notre monde sensible.
Il s’agit du virtuel, certes, mais l’image à
une réalité dans le monde sensible. Les personnages
de jeu en réseaux ont une réalité :
Alexandre Martinez, Anselme Puig, Albain LeGaroy, etc… Et
tous se réunissent le samedi soir sur des terrains
virtuels et se battent contre des hordes de Gobelins ou autre. Mais
cette activité a une réalité, qui n’est
pas semblable à celle affichée sur
l’écran de l’ordinateur, mais une
réalité tout de même.
Ces mondes irréels deviennent alors hyper-réels.
Certaines personnes moins stables que d’autres, se prennent
un peu trop au jeu et ne dissocient plus le virtuel de la
réalité. (Et c’est en ce sens que le sujet est
difficile car moi-même je ne pourrai répondre car je
ne désire pas m’aventurer sur un sujet
aujourd’hui oh combien sensible aujourd’hui.)
L’idée la plus marquante sur ce problème de
discernement est celle du militaire américain revenu du
front Iraquien et qui a déclaré que
c’était plus facile qu’à
l’entraînement ! Les simulateurs de
l’armée avaient dépassé ou du moins
égalé la réalité, ou peut-être
même l’avaient-ils rendue moindre.
L’image de synthèse, comme toute technologie
avancée, vise à reproduire, surpasser et même
peut-être remplacer le réel.
Sur Internet, notre image sur un chat n’est pas une photo
d’identité mais un avatar bien souvent loin de toute
ressemblance. Il s’agit d’un rapport social basé
sur la médiatisation : renvoyer une image bien plus
sensationnelle que la réalité. Jean Baudrillard a bien raison
d’affirmer que nous vivons dans un monde d’illusion du
réel. Nous passons à l’air de la
simulation : nous faisons croire à ce que l’on
n’est pas. L’image de synthèse est un simulacre.
C’est-à-dire ce qu’il y a entre la
réalité, d’après laquelle
s’inspire l’image, et ma vision.
Sur un plan plus visuel donc, l’image de synthèse
est bien plus vraie que la réalité. Il s’agit
ici d’une appréciation culturelle car, en effet, il y
a beaucoup plus de détails qui semblent réalistes
à voir dans une image virtuelle que dans une image
traditionnelle.
Dans le cinéma aujourd’hui par exemple, le virtuel
a tendance à prendre le pas sur l’imagerie
traditionnelle. Sur les visages de ces Hommes virtuels, c’est
un peu comme si l’on cherchait à représenter
les moindres imperfections de la peau alors que face à face
on ne les verrait même pas. On parle alors de
« réalité augmentée ».
Les artistes du Photo-réalisme avaient déjà
emprunté cette voie.
Bien entendu, à côté de cela, la
réalité nous paraît bien fade. C’est
alors un risque que représente cette fausse
vérité de l’image de synthèse : les
Otaku au Japon qui s’immergent dans le virtuel, coupés
du monde, se déconnectent complètement de la
réalité.
Parmi les monceaux d’œuvres virtuelles
créées chaque jour dans le monde, bon nombre
d’entre elles, heureusement, ne nous induisent pas en erreur.
Revenons en arrière dans notre enfance, ou notre jeunesse
pour certains, avec le personnage de Pacman.
Voilà une bien vieille image de synthèse. Plus un
dessin animé sur Paint. Ce jeu d’arcade en
image de synthèse s’affiche faux dés le
départ car il est sans aucune référence au
monde réel : vous connaissez quelqu’un qui mange
des fantômes dans un labyrinthe et fini par se transformer en
cerise ! Moi non.
Dans les Arts Plastiques, les premiers artistes ont
exprimé une volonté de reproduire fidèlement
le réel puis on créé leur propre monde
intérieur. L’image de synthèse a fait de
même : interprété ou créé.
On ne produit jamais quelque chose de totalement nouveau mais on
fait toujours référence à un
élément de culture commune. Pour Pacman, le
mystère demeure…
Le sujet ici posé n’est vraiment pas simple:
c’est une sorte de paradoxe ambulant !
Bien sûr que l’image de synthèse est
fausse ! Je sais pertinemment que Sully le personnage du film
d’animation « Monstres et compagnie »
n’est pas un acteur réel ! La question est
déjà plus complexe si je regarde les décors de
« Vidoc » : comment
déceler le vrai du faut ?
Mais c’est le mot
« vérité » qui ne sonne pas
juste dans cet énoncé.
« Vérité » ne veut pas
forcement dire « réalité ».
L’image de synthèse est vraie parce qu’elle dit
la vérité.
Elle n’est pas fausse : elle l’est
techniquement puisque ce n’est pas la réalité
que nous contemplons, au même titre qu’un tableau du
Caravage. Cependant, elle ne prétend pas être vraie et
nous montrer la réalité. Même si sur un plan
technique, dans une scène de combat de Matrix par exemple,
l’image de synthèse est utilisée pour se
substituer à une action humaine, elle présente alors
un spectacle surhumain. Si on l’utilise, c’est bien que
l’homme ne peut effectuer la cascade ! … enfin,
je crois !
L’image de synthèse s’affiche donc fausse, c’est-à-dire non réelle, dés le départ. Elle ne nous ment pas et nous dit qu’elle est fausse.
L’image de synthèse est entrée dans nos vies
voilà bien peu de temps par rapport à
l’Histoire de l’humanité. Nous la côtoyons
partout et nous l’utilisons allégrement ça et
là. Moi même, j’en ai même fait mon fond
de commerce !
C’est en réalité un mode d’expression,
un outils plastique, dont nous ne pouvons nier la
réalité.
Vérité ou fausseté de l’image de synthèse : je conçois son existence en tant que programme informatique et non en tant qu’objet. Elle n’est pas palpable et donc ne fait pas partie du monde sensible, ce qui lui donne un petit côté magique qui n’est pas sans me déplaire. Comme si l’image se créée d’elle-même.Cependant, elle est vraie car elle ne tente pas de duper notre raison mais seulement notre œil de façon magique. Car magie il y a lorsque l’artiste affairé à son ordinateur crée l’image de chiffres et de lettres, une illusion qui, au fond, ne prétend pas être la réalité. Je vois une image magique…