Une réalité égocentrique
L’univers altéré place l’individu au centre de son processus d’exploitation du réel. L’être humain est le récepteur de l’affect engendré par l’esthétique du glauque. A ce titre, il subit une altération non seulement dans sa perception de la réalité mais aussi dans son identité elle-même. Cette esthétique se doit de proposer une réflexion sur la condition humaine.
Le parcours initiatique du glauque nous promène à travers différents récits menés par des personnages auxquels on s’identifie. Dans le milieu industrialisé à l’abandon, désaffecté et déshumanisé de Eraserhead, Henry Spencer semble être le dernier homme sur une Terre dévastée. Il est le seul héros de l’histoire, la figure principale du film. Et c’est à lui et à son rapport avec le monde que l’on s’intéresse parce qu’il est évident qu’il possède une destinée, étant donné qu’il est le sujet sur lequel est axée l’intrigue. Les autres hommes intervenant çà et là au gré de l’histoire ne sont là que pour guider le héros et baliser son parcours d’une épreuve édifiante.
La présence de l’individu est perceptible dans le fond et la revendication des propositions plastiques glauques : mettre en scène la condition humaine.
L’histoire de l’existence du personnage ou du sujet-spectateur est aussi mise en relief afin de revendiquer la présence de l’Homme dans sa réalité et cela, même dans les endroits les plus reclus du monde intérieur où l’identité est une différenciation ambiguë.
L’individu comme pièce maîtresse de l’équilibre de l’univers glauque est aussi incarné par l’artiste lui-même.
Celui-ci est avant-tout le porte-parole de son art et se doit d’assumer et de contrôler l’esthétique qu’il a créé. « Quand les gens vous prennent pour un monstre, il n'y a qu'une chose à faire : dépasser leurs attentes. » Voilà comment Joel Peter Witkin, le poète sombre de la photographie, envisage son statut d’effigie d’une esthétique ici radicalement désagréable pour le public. Witkin rajoute à cette revendication provocatrice un culte du mystère de la personnalité. Il se tient reclus du monde réel, plongé dans l’intériorité de sa perception de l’individu. Il ne se montre qu’à de très rares occasions et son travail se limite aujourd’hui à une dizaine de créations dans l’année. Le mystère qu’il entretient autour de son identité médiatique est renforcé par le récit de son expérience de la vie et donc, aussi, de la mort.
Joel Peter WitkinC’est très tôt que Witkin vécu son premier contact brutal avec la mort : « A six ans, j’ai assisté avec ma mère et mon frère à un carambolage impliquant plusieurs voitures à Brooklyn. De l’ombre des véhicules retournés, a roulé vers moi ce que j’ai pris pour un ballon, mais comme il roulait plus près et finissait par s’arrêter contre le trottoir où je me trouvais, j’ai pu voir qu’il s’agissait de la tête d’une petite fille. Cette expérience m’a fait tomber amoureux, non seulement d’elle, mais de la vie en général. Plus tard, lorsque pour la première fois j’ai tenu en main un appareil photo, c’était comme si je tenais la tête de cette petite fille. » De cette expérience à la fois horrifique et déstabilisante, Witkin a bâtit toute une obsession de la mort et de l’imagerie qui l’entoure. Son père passionné par les revues d’actualités de l’époque, lui montrait avec entrain les clichés illustrant les articles de faits divers et de la rubrique nécrologique. Witkin fut dès lors influencé par Arthur Fellig , surnommé Weegee, célèbre photographe de crime urbain. Ce reporter était le premier sur les lieux, photographiant les cadavres encore chauds découverts dans les rues d’une cité pervertie par le crime.
Gottfried Helnwein est quant à lui un artiste
médiatisé et médiatisable qui se montre avec
plaisir. Sa carrière a d’ailleurs
débutée par l’art performance qui mettait en
scène son propre corps. Helnwein met en scène des
actions spontanées dans la rue. Il choisit souvent des
enfants comme protagonistes de ses actions. Il les enveloppe de
bandages fixés par des instruments chirurgicaux. «Le
thème central de mon art était les enfants.
J’ai trouvé des enfants, et parfois même des
adultes, avec qui j’organisais des actions dans les rues. Par
exemple, j’enveloppais un enfant de bandes, j’ajoutais
des pinces chirurgicales, puis je l’allongeais ainsi
ficelé sur le sol. J’en parlais toujours avec eux
avant; je leur expliquais ce que j’allais faire. Pour eux
c’était une sorte de jeu.» L’idée
sous-jacente à ces mises en scène était de
placer un obstacle imprévu dans le cours tranquille du
quotidien. Elles visaient à provoquer une réaction
chez les passants. Mais les gens ne réagissaient pas
forcément, ce qui ne réduisait en rien le
résultat de l’action, car même ignorer un
événement est une réaction; qui plus est,
c’est une réaction qui démasque la
personne.
Aujourd’hui, l’identité physique de Gottfried
Helnwein s’est allégrement étalée sur
les unes de bon nombre de magazines. Il est le photographe officiel
des stars du rock. De nombreuses personnalités de la
scène artistique émettent le souhait de travailler
pour ou avec lui. L'homme lui-même et sa vie sont devenus,
jusque dans les signaux vestimentaires qui reprennent les codes du
hard rock, l'œuvre d'un artiste-vedette moderne, une partie
essentielle de l'œuvre, une griffe.
Il est évident que ce précepte artistique s'oppose
en tout point à l'idée que l'on se fait de la
création artistique, perçue comme un
phénomène exclusif. Il ne s'agit
précisément pas de cela, on note bien plus que le
caractère imminent des toiles de Helnwein doit sa puissance
et sa persistance au fait que 1e peintre n'a jamais quitté
les repères de la vie réelle et de
l'actualité. On dirait que l'Apocalypse de la civilisation
doit s'accomplir dans son œuvre sous d'autres
présages. C'est pour cette raison que les critiques l'ont
surnommé « le Boris Karloff du pinceau » ou « le peintre
de choc à l'âme sensible ». Gottfried Helnwein
son image en avant dans des autoportraits qui ne sont pas
autobiographique. « La raison pour laquelle je me suis
tourné vers l'autoportrait, pourquoi j'ai dès le
début mis ma propre personne en scène, est que
j'étais une sorte de représentant. Il n'y a rien
d'autobiographique là-dedans, ce n'est pas une
thérapie, on n'y trouvera rien de personnel. Je n'ai rien
à voir avec cela, je me prends uniquement parce que je suis
toujours disponible en tant que modèle. Je veux montrer un
Homme». Helnwein réalise des œuvres qui figure
l’Homme sous les traits de son propre visage. La tête
recouverte de pansements n'a cessé d'être un poncif
mal compris par le public encore trop insensible aux codes du
glauque. La tête pansée d'Humphrey Bogart dans le film
Dark Passage en 1947 présentait pourtant déjà
l’idée du visage en devenir.
Chez Helnwein, les pansements et les instruments chirurgicaux
sont également un symbole de métaphore de
l'être perdu dans l'anonymat : une « personne »
momifiée de notre époque semblant descendre tout
droit de la table d'opération ou sortir d'un sarcophage
égyptien. II attend qu'un nouveau visage se forme comme dans
un cocon abritant une vie en création. Tous les tourments et
les horreurs de ce monde sont réunis dans ce visage
bandé, comme un faisceau des manifestations de l'angoisse.
Les autoportraits sont donc aussi l'expression du martyre de cette
fin du siècle, et le spectateur s'y reconnaît.
Les trois sorcières sont des personnages imaginés par Helnwein pour la pièce Macbeth de Shakespeare. On les retrouve aussi dans le clip Mobscene de Marylin Manson et dans la présentation théâtralisée des œuvres d’Helnwein accompagnant l’album The golden age of grotesque en 2003. Femme au visage mutilé, au sourire affreusement déchiré, elles incarnent l’ambivalence entre la femme moderne, forte, et l’archétype de la soumission. Elle se présente à nous dans de vieux sous-vêtements des années 1940, salis, aux bas filés. Elles ressemblent à des femmes battues, presque mortes et maintenues en éveil par un sentiment de vengeance. Souvent affublées d’un dispositif de correction médicale telle une minerve métallique, elles sont maintenues droites, comme des poupées usées et souillées.
La femme, autant que l’homme, voir peut être plus, est placée au centre de l’univers glauque.
Chez Witkin, la femme est une mère reproductrice et
généreuse, pour Fichot, une fraîche
ingénue à peine endormie, pour Helnwein c’est
une femme déçue et vengeresse, etc. L’Origine
du monde, la femme, est ce à quoi l’humanité
doit aspirer, dans sa beauté et son horreur. Cette innocence
de la pureté originelle est souillée par
l’altération. Cette perversion de la
féminité est une horreur dont
l’actualité se fait chaque jour
l’écho.
Le sujet récurrent et quasi-obsessionnel des artistes du
glauque reste la figure féminine. Chez Fichot, les femmes
figurent une certaine servitude volontaire, une douleur proprement
infligée, presque une auto-mutilation. A l’image de
poupées désarticulées qu’un enfant
aurait trop sauvagement bercées, la femme paraît
pourtant sereine, consciente de son sort. Fichot semble revendiquer
une certaine rupture d’un schéma culturel par les
images qu’il créait, même s’il ne
s’agit en réalité que d’une tentative
perfide d’extraire la femme d’un système social
où elle s’efface devant l’homme. Une certitude
demeure : la femme chez Fichot incarne la sollicitation
d’une liberté individuelle pleinement
réalisée et l’affirmation de soi. La femme
n’est plus cette conscience amorphe et mielleuse, esclave
d’un conformisme social.
L’individu s’envisage par le récit de son vécu mais aussi par sa position sociale dans la réalité qu’il habite. Car c’est la société qui réalise notre carte d’identité sociale. Nous sommes soumis à des la perception de l’individu social pour construire l’apparence qui correspond à notre milieu. Là où le glauque produit son effet dévastateur d’altération, c’est par le fait de bouleverser cette perception.
Les œuvres comme celles de Gottfried Helnwein
électrisent le spectateur et les perçoit alors comme
un anathème de
la réalité. Ces images sont suggestives et ouvrent en
même temps de vastes horizons sans pareils. De plus, Helnwein
force au-delà de leurs limites les langages de
différentes techniques, le dessin, l’aquarelle, la
peinture et la photographie. Helnwein nous propose les cauchemars
d'un réaliste, des terreurs banales et l'horreur
présentés avec une précision clinique. Les
dessins de Gottfried Helnwein semblent issus des angoisses
kafkaïennes; ils ressemblent à des haies
épineuses envahies de toiles d'araignées où
ses psychoses retiennent l'être humain prisonnier. Son art et
sa technique évoluent constamment entre
sur-définition plastique et dissolution conceptuelle. La
subtilité photographique de son dessin,
étrangement apte à reproduire aussi fidèlement
que possible les visions de l’artiste, réalise la
géniale illusion de fondre les différentes
réalités visible et invisible entre elle. Un artiste
d’un nouveau genre s’incarne en la personne de
Gottfried Helnwein : dans son art, un monde extérieur
et intérieur s’imbriquent l’un dans
l’autre de façon indissociable. Gottfried Helnwein
utilise l’art «comme une arme, comme un scalpel, pour
émouvoir le spectateur.» Sa démarche
esthétique ne réside pas tant dans l’objet
artistique, l’œuvre d’art, mais dans la
perception humaine. Les idées de Bert Brecht et de Walter
Benjamin servent de référence aux théoriciens
de l’esthétique, tandis que Walt Disney et la musique
rock a une portée bien plus sensible pour le praticien
artistique Gottfried Helnwein. Il se considère en ce sens
bien plus comme un artiste conceptuel, bien qu’il
s’oppose à leurs théories
imprégnées de l’idée de
l’œuvre d’art autonome. Mais au lieu de produire
des images de marque incisives, il cultive une attitude
esthétique qui reste sévère à
l’égard de son environnement social.
Gottfried Helnwein est résolument un artiste de son
temps, qui prend en considération le passé, le
présent et le futur de notre société
contemporaine. Son message dénonce les grands drames
survenus ces derniers siècles. Il ne les combat pas pour
autant car c’est une entreprise vouée à
l’échec. Le nazisme, le viol, l’inceste, le
meurtre, la difformité et la maladie sont les figures de la
dégénérescence des valeurs morales qui frappe
notre société.
L’individu est une entité prisonnière d’un corps dont il tente de s’échapper. Voilà la quête de l’homme moderne : l’échappatoire. Et l’esthétique du glauque propose bel et bien une issue vers un autre monde où la chair ne semble plus souffrire de la douleur mais s’en délecter. C’est une autre solution, après tout.
Gunther Von HagensGunther Von Hagens, tout comme Witkin, choisi le corps-cadavre comme objet d’étude de la condition humaine. « Ces cadavres promis à l’éternité sont en général, mais pas toujours, écorchés. […] Souvent, une trépanation permet de découvrir une partie du cerveau. La joue, partiellement disséquée, dévoile les insertions musculaires. Le sexe flasque mais en pleine forme, est exhibé. […] Il y a aussi un très beau corps de femme, non-écorché celui-là, avec une poitrine absolument superbe. De son ventre ouvert sort négligemment un petit bout d’utérus fécondé.» L’œuvre du docteur Von Hagens se présente comme une collection d’écorchés. L’artiste recherche sa matière première dans les morgues. Ceux qui ont légué leur corps à la science finissent exposés dans un musée d’histoire naturelle, dépouillé de leur peau et figé dans une position désormais éternelle.
L’exposition choc intitulée Univers du corps ayant eu lieu à Bâle, en Suisse, carrefour de l'Allemagne et de la France, concentre une cinquantaine de cadavres écorchés et conservés selon la technique de la plastination élaborée par Von Hagens. Il utilise donc cette technicité de son invention, qui permet au corps d'être conservé dans un état rigide. Pour schématiser, ce processus de conservation du corps remplace les liquides contenus dans les tissus par un composé assimilable au silicone. Ainsi, ces sculptures humanoïdes se présentent sous la formede corps écorchés, dépouillés de leur peau, où seuls les muscles et les os apparaissent. Certains membres sont volontairement disséqués ou amputés afin de mettre en relief une partie spécifique du corps.
Gunther Von Hagens réalise une tentative de confronter la réalité et la vérité de la chair avec la réalité des vivants et des bien-portants, afin de montrer combien notre société occulte l'idée de la mort physique. Mais cette exposition n’offre tout de même qu’une vision aseptisée de l’être, garantie par la médecine, où la mort ne semble plus rôder à l’intérieur le corps humain. Ces écorchés nous rappellent de lointains ancêtres naturalisés, des membres de notre famille à qui l’on s’identifie, que l’on croit reconnaître. Car ces corps exposés sont bien des dépouilles d'êtres humains, nés sans doute après la deuxième guerre mondiale. Des êtres humains qui ont souffert et aimé, tout comme nous. Nous sommes les spectateurs de leur décrépitude soudainement stoppée par les progrès de la science. Une science qui embellit la mort en lui enlevant son odeur caractéristique et son aspect terrifiant quoique sublime. Sauver le corps de sa décrépitude naturelle, c'est lui enlever le monopole des asticots, éviter les processus de l'abjection et de l'horreur naturelle. Cette éviction volontaire de la laideur dans le corps montre une volonté de rassurer le spectateur sur son futur proche. La technique de plastination agit comme une révélation, une certitude sur la suite des événements. Van Hagens semble nous dire « vous allez mourir, mais rassurez-vous, vous serez beau pour toujours grâce à la plastination ».
L'exposition qui a voyagée au Japon et en Europe a divisé les opinions: l'église catholique allemande a tenté d'interdire la venue de ce « cirque macabre » mais sans succès. Au japon, 2 millions de personnes se sont déplacées pour aller voir ces vrais morts. Son exposition a pour but de rapprocher « l’œuvre d'art naturelle qu'est le corps humain du public ».
Et pour autant que l’intention de l’artiste ne soit pas forcément la subversion, Gunther VonHagens a le sombre mérite de nous jeter au regard ce que cache la peau, ce qu’est la chose qui nous fait sous sa surface visible, cet autre que le pur produit d’une matrice.
Philippe FichotPhilippe Fichot pénètre, quant à lui, toujours plus profond dans les méandres de l’esprit afin de révéler notre propre rapport au monde à travers l’attachement au corps : le déchirement, le mal-être, cette nécessité d’éprouver notre corps pour se sentir vivant.
C’est une volonté courageuse d’affronter la mort, un memento mori perpétuel. Ce n’est pas tant la mort qu’il faut craindre mais de l’idée de la mort.
« L’humain a perdu le sens de la beauté. Quand il l’aura oubliée, il sera vraiment mort. » L’alternative est donc la douleur. L’expérience de la douleur apporte une certaine connaissance de la mort : c’est en quelques sortes la morphine qui calme le mal sans pour autant le guérir, une violence physique pour une quiétude morale. Et c’est ce processus qui fige en nous le questionnement sur la condition humaine.
La douleur devient alors un art, doué de raison, qui transpose notre regard sur un monde immaculé.
Le mécanisme de production plastique de Philippe Fichot s’appréhende comme une expérience volontaire de la douleur face à la fatalité de la mort. Point ne sert d’avoir peur de la mort puisqu’il s’agit en tout et pour tout de l’arrêt de la vie, des sensations. Si je ne sens plus, je ne souffre pas. Donc, si je souffre : c’est que je suis en vie. L’expérience volontaire de la douleur est intrinsèquement humaine. Elle naît de la clairvoyance tragique et désespérée de l’homme qui admet la réalité manifeste de la mort. Il ne s’agit plus de feindre cette destinée que l’on réserve aux autres. L’absence sensitive est physiologiquement ce qui nous rapproche le plus des raisons qui nous font refuser la mort. Cette ataraxie est une quête sans cesse renouvelée. L’art n’est donc pas un vecteur de salut pour l’homme puisqu’il devra malgré tout mourir.
Le processus photographique cher aux artistes contemporains s’envisage désormais comme une geôle à l’intérieur de laquelle le temps reste prisonnier, inlassable témoin du cheminement des hommes.
Ce désir naïf d’intemporalité est vite
compromis par la transparence d’un corps en constante
décomposition. L’Homme se fond inévitablement
avec la nature dans un compost à la fois synonyme de mort et
de régénérescence.
« L’idée de Mort peut en effet hanter
les faits artistiques : […] par le fait même de
cette présence dans l’œuvre, par
l’impression effective sur le témoin, fait qui peut
provenir surtout de l’inconscient, du génie, de
l’instinct de l’artiste, du hasard, des
prédispositions du Témoin. » Il est vrai que cette
compréhension de l’œuvre ne peut avoir lieu
qu’avec l’aide des affects, du témoin ou de
l’artiste. Car, avant tout, l’esthétique du
glauque est une affaire de perception et de ressentit.
L’art, actualisation singulière d’une beauté supérieure, ne peut naître que de la confrontation consensuelle de l’amour et de la mort.
Cette appréhension humaine de l’union divine place
l’homme au centre de ses préoccupations ; Il lui
faut vivre en pleine conscience une destinée tragique et
transcender la déchéance d’une chair qui
rappelle inexorablement son sursis.
L’individu social et corporel est clairement au centre de
la construction de l’univers glauque. A la fois
outil/matière et sujet de réflexion, le corps devient
une icône glauque mise ne scène pour faire prendre
conscience au public de l’importance de ce que la nature nous
a donné et peut nous reprendre à tout moment. Les
passions et la destinée qui anime l’individu sont des
éléments essentiels du mécanisme que
l’esthétique du glauque voudrait activer dans nos
esprits. Le parcours initiatique nous amène ici à non
pas abandonner les considérations sensibles de notre corps,
mais à les comprendre, et à accepter la douleur comme
une prise de conscience de notre propre corps.
La vue des images issues de la réalité altérée nous est douloureuse à contempler parce que ce concept plastique fait résonner en nous des pulsions refoulées que nous ne devrions pas assumer socialement. Il semble alors que nous soyons des animaux pervers préférant la compagnie de monstruosités dégénérescentes affichée sur nos mûrs plutôt que la contemplation sereine et passive d’un coucher de soleil sur les champs.